Une journée à Brive-la-Gaillarde
Il y a deux cents ans, les 26, 27 et 28 novembre 1812, se déroulait une bataille épique aux Cosaques de Koutousov sur les bords de la Bérézina. Cette bataille fut réellement une bataille rangée où le soldat français montra toutes ses qualités de valeur et d’abnégation. Le passage du fleuve Bérézina eut lieu à Studianka en fait mais c’est le nom de Bérézina qui entrera dans les mémoires. En réalité, le point de passage sera l’endroit où les forces en présence tant russes que françaises, terriblement éparpillées, vont se regrouper et livrer bataille, une vraie bataille.
C’est au cours de cet engagement que s’illustra en se sacrifiant le 126e régiment d’infanterie. Il appartenait alors à la brigade du général Camus, de la 12e division du général Partouneaux, du 9e corps d’armée que commande le maréchal Victor (Claude Victor Perin). Ce sacrifice ne fut pas vain car il permit de sauver ce qui restait de la Grande armée en état de combattre. La Bérézina fut réellement une victoire dans une campagne perdue dixit J.O. Bourdon dans son ouvrage sur la campagne de Russie. C’est donc pour commémorer ce fait d’arme que les grognards de Haute-Alsace furent conviés à Brive-la-Gaillarde, ajoutant une touche de couleur et d’authenticité pour l’occasion.
Une note toute militaire avait été transmise à notre président dans laquelle se trouvait, point par point, tout ce qui allait se passer et ce que l’on attendait de nous. C’est ainsi qu’un bus militaire nous fut dépêché à Cernay. Il était conduit par Pascal, caporal-chef de son état et fort sympathique qui plus est.
Le voyage se déroula sans encombre et comme d’habitude nous prîmes le temps de nous offrir un moment pour déguster un petit apéritif convivial dans la plus pure tradition « grognardesque ». C’est Jean-Maurice qui s’enquit de cette mission difficile et il s’en sortit avec brio.
Puis, vint l’heure de la pause-déjeuner. Nous nous arrêtâmes pour ce faire sur une aire d’autoroute dont l’histoire n’a pas retenu le nom et moi non plus. Néanmoins, nous y passâmes un bien agréable moment à discuter ensemble, rire des uns et des autres, dire du mal des absents et inviter notre caporal-chef à se joindre à nous. Jean-Maurice avait une bouteille « thermos » et comme on lui avait dit que ça gardait aussi bien au chaud qu’au froid, il y avait mis dedans pour son déjeuner, de la soupe et un Miko !!!
Le trajet se passait sans encombre. L’absence de vidéo nous fit paraître le temps long mais nous incitait à discuter avec les uns et les autres davantage. Enfin, c’est ce qu’il me semble avoir noté.
Quelques heures plus tard, nous arrivâmes de nuit au quartier Laporte. Jean-François nous y attendait déjà en précurseur. C’est une caserne moderne qui sied à un régiment de pointe. Nous étions attendus au mess pour le repas du soir. Il y eut un petit « couac » en ce qui concerne la literie et les chambres mais tout fut vite réglé par Jean-François, rompu qu’il est de la chose militaire. Enfin, Après le repas pris en compagnie de notre chauffeur, nous prîmes possession de nos chambrées pour une nuit de repos bien méritée.
Le lendemain lundi, nous nous sommes levés avant les poules. Il pleuvait dru depuis deux heures du matin et ça ne semblait pas vouloir s’arrêter. Les militaires arrivaient les uns après les autres pour prendre leur service. Tout le régiment serait aujourd’hui en arme pour l’occasion. Nous, nous avons pris notre petit-déjeuner là où nous avions dîner la veille après avoir chargé le car mis à notre disposition et qui allait nous ramener en Alsace l’après-midi même.
Nous nous retrouvâmes au centre de Brive, au milieu des compagnies qui arrivaient l’une après l’autre et qui, doucement prenaient place offrant un spectacle rare aujourd’hui. La pluie ne faisait pas défaut et l’orage s’était quand même calmé. Heureusement, nous pûmes nous mettre à couvert sous une halle ou un troquet dont Gérard fit son quartier général.
Découvrant nos uniformes d’un autre siècle, Julie, une jeune journaliste de FR3, ne se sentant plus d’enthousiasme, s’en alla trouver, comme électrisée, le plus beau d’entre-nous : notre grenadier.
« Que vous êtes joli ! Que vous êtes beau ! Sans mentir si votre bonnet est aussi gros que votre piolet, ouaaaaah ! Vous êtes le Rocco que je vois ici bas ! »
Ne se sentant plus de joie, notre grenadier ouvrit un large bec et se fit interviewer. Ceci fait, nous attendîmes sagement que l’on veuille bien nous faire signe pour entrée en lice, d’après les consignes de l’officier tradition et notre interlocuteur, le capitaine Calla du Faye.
Dix heures trente-cinq. La B.G.H.A. s’avance au milieu du régiment en arme, au complet et devant un parterre de généraux et d’autorités tant civiles que militaires. Quelle impression ! La fausse note n’est pas envisageable et pourtant elle aura lieu. L’officier tradition lut l’historique du régiment. Puis la batterie joua deux morceaux et s’en retourna d’où elle vint. Evidemment, l’un d’entre nous parti à contre-pied. Je ne le nommerai pas mais c’est le plus gradé… Afin d’éviter de lui faire changer le pas avec son Aigle, mouvement qui aurait été démultiplié par la hauteur de ce dernier, je me mis au pas de ce dernier. J’étais énervé. Un petit défilé et un vin d’honneur plus tard, nous nous sommes retrouvés pour un repas de fête, tâche blanche dans une salle verte. Les militaires partagèrent leur écot et nous, notre talent. L’ambiance fut assurée par une jeunesse bouillante surtout pour le duel au tambour qui eut un franc succès. L’heure avançant, il fallut bien se résoudre à partir. Nous nous changeâmes puis chargeâmes le reste de nos tenues et nos instruments dans le car. Gérard salua le colonel Secq lequel, très impressionné par notre prestation, le remercia chaleureusement.
Pour le retour, nous étions aux ordres de Martial, caporal-chef, lequel avait la charge de nous ramener en Alsace. Ce qu’il fit promptement sous une pluie diluvienne. Du genre que celle que connut Jean-Maurice avec son pote Noé. Jean-Maurice nous raconte souvent son histoire, toujours la même : « Moi, pendant le Déluge… » « Oui, Jean-Maurice, on sait ! »
Le retour fut calme et, sans vidéo toujours, nous discutâmes longuement de tout et de rien. Nous étions bien et heureux d’être là, d’avoir vécu cette journée, entre nous, sous le regard bienveillant de Gérard, le GPS, le gourou de la secte des gros Niards. C’est ainsi qu’avec notre GPS, notre « Guide du Paradis Suprême», nous atteignîmes Cernay vers trois du matin