Le Sabre d’officier

L’histoire d’un sabre

Sabre d’officier de la Garde


 

Depuis longtemps, l’idée me trottait d’avoir en tête de notre petite troupe un porte-drapeau digne de ce nom. A ce jour, il porte de magnifiques épaulettes d’officier, un cordon de bonnet tout de fil d’or, etc. Mais il lui manquait presque l’essentiel. C’est-à-dire un attribut propre à sa fonction d’officier, qui plus est, de la prestigieuse Garde Impériale : un sabre.

Bien sûr, il existe de très nombreux sabres différents, mais celui qui fut forgé pour la vieille Garde est tout à fait particulier : la lame est gravée sur presque toute sa longueur aux armes de la Garde Impériale portant mention GRENADIER A PIED. Les gravures, entre autres, sont dorées à l’or fin. Cette lame est par ailleurs bleuie. La garde de ce sabre est en basane noire. C’est un cuir de mouton. Pour l’anecdote, si une « peau de basane » est de mouton, une « peau de chagrin » désigne une peau de chèvre. Tout cela pour dire qu’il s’agit d’un objet rare et précieux.

Premier obstacle : qui fabrique ce genre d’instrument aujourd’hui ?

Il m’en a fallu des heures de recherche sur le net, pour finalement trouver un artisan en République Tchèque qui fabriquait de temps à autre, et à la demande, des copies tout à fait honorables de l’objet convoité. C’est donc via les services d’un importateur, fournisseur d’équipements de toutes sortes et de toutes époques que je pouvais faire, dans un avenir plus ou moins proche, affaire. J’étais déjà content d’entrevoir une finalité et surtout une possibilité d’enfin habiller notre déjà superbe porte-drapeau.

Deuxième obstacle : le prix. Un outil de cette facture, fabriqué qui plus est, à la demande, est forcément rare et convoité donc cher, très cher, très, très cher. Il fallait réunir un petit pactole d’euros sonnants et trébuchants dans mon nourrain avant de passer à la suite des opérations. Alors comment fait-on ? Moi qui ai horreur de manipuler de l’argent et surtout d’en demander fusse pour une cause que j’estimai bonne, je me mis en demeure de passer outre et de quémander à tous mes proches, mes amis, mes potes et mes collègues de travail, de vive voix ou par courriel. Une souscription libre, sous forme d’un don en numéraire qui ne donnait droit à rien si ce n’est faire plaisir à un groupe que je sais très apprécié. Je me donnais une petite année pour arriver à mes fins. Tout cela, conformément à la législation en vigueur puisque nous sommes sous le coup de la loi locale de 1908. Alors, prenant mon bâton de pèlerin, j’ai commencé à toquer autour de moi et notamment chez mes garçons, auprès de maman, de ma sœur. Tout de suite, ce fut l’enthousiasme et les sous commencèrent à tomber dans la boîte à biscuits que j’avais prévue à cet effet. Mais il y avait une somme importante à réunir. A coup de courriel, les courriers venaient grossir la somme qui dormait dans la boîte et notamment une vingtaine d’euros arrivait même de l’Ambassade de France à Vienne (AU) et dix autres de Colombo au Sri Lanka. Comme il y avait des sous en jeu, j’avais quand même mis dans la confidence notre vice-président en lui demandant de garder le secret. Régulièrement, je le tenais informé de l’évolution de ce projet. Cinq cartons de crémant des grognards furent même vendus avec un petit profit, en informant les acheteurs évidemment de la finalité de la vente. Ces cartons rapportèrent un petit complément qui alla rejoindre la petite boîte de biscuits. Il était même prévu de clore la collecte par la tenue d’un stand lors de notre prochain marché aux puces d’avril, ici à Matzenheim.

Début décembre, je démarchais mon propre médecin de famille. Pianotant sur le net avec lui, je me rendais compte en visitant le site que notre sabre n’était plus proposé à la vente. Je commençais à blêmir d’autant plus que déjà, beaucoup de personnes m’avaient fait confiance et que la cagnotte se montait à 800 euros. J’ai donc dû trépigner tout un week-end et attendre le lundi pour appeler le fournisseur au téléphone. Au bout d’une heure et demie de palabres, il m’indiqua qu’il allait à Prague, y rencontrerait l’homme de l’art et discuterait avec lui. En fait, la facture des derniers sabres n’avait pas été conforme et cet objet n’avait, du coup, plus été proposé à la vente. C’était une question d’image pour le fournisseur. Ce que je comprenais. Projet en panne ! Je devais attendre mais continuais à collecter cependant. La somme devenait conséquente La cagnotte des grognards prenait de l’embonpoint. Au bout de quinze jours, un mail salvateur arrivait m’indiquant qu’un sabre était disponible. Photos à l’appui, il était encore plus beau que tous les autres et par comparaison avec des vues d’un sabre authentique. Cette copie tenait parfaitement son rang. Notre fournisseur me fit un petit geste commercial proposant ce sabre au même prix que celui proposé précédemment et avec des frais d’envoi bien en deçà de ce qui aurait dû normalement être.

Entre-temps la somme se trouvait presque réunie à quelques dizaines d’euros près que j’avançais sans hésitation. Le 2 janvier, le facteur m’apportait cette pièce magnifique que Christian portera fièrement au côté, à la tête de nos prochains défilés.

Quant à moi, j’en informais notre vice-président et préparais d’ores et déjà une pièce comptable pour le trésorier portant mention de tous les donateurs généreux qui voulurent bien simplement nous faire plaisir.

Campagne