Les douaniers 1er Empire

Les douaniers sous le 1er Empire

 

Sous l’ancien régime, l’institution la plus honnie était la Ferme générale. Les rois de France avaient pris l’habitude « d’affermer » la collecte des taxes et impôts indirects à des financiers qui versaient une somme forfaitaire aux rois et recevaient en retour, le droit de poursuivre les contrebandiers.

C’est Colbert, ministre de Louis XIV, qui regroupa les « fermiers » dans une Ferme générale qui prit sa forme définitive en 1756. C’était une association de 40 fermiers établis à Paris avec 42 directions provinciales et plusieurs milliers de personnes à son service. Les contrebandiers et les faux-sauniers étaient impitoyablement pourchassés par les agents de la Ferme générale, « les gabelous » (chargés de récolter la gabelle ou l’impôt sur le sel). Ce faisant, les fermiers-généraux, amassèrent des fortunes qui dépassaient l’entendement.

La Révolution fera table rase de ce système et créera le 1er juin 1791, la Régie des Douanes, qui deviendra les Douanes Nationales puis Impériales.

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Officier et préposé des Douanes
1er règlement des habillements du 25 pluviôse de l’An VIII (14 février 1800)

De fait, la Douane a été militarisée dès 1792. Et pendant toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire, elle aura mission d’assurer la surveillance des frontières françaises et plus tard d’assurer le blocus continental.

Ainsi, 22 fructidor de l’An IX (16 septembre 1801), l’ex-Ferme générale sera réorganisée par le 1er consul Bonaparte qui crée la Direction Générale des Douanes sous l’autorité de Collin de Sussy puis de Ferrier. Il attribue aux douaniers un uniforme réglementaire de drap vert et ils seront 12 500 à le porter en 1801 ; 25 700 en 1808 ; 35 000 en 1812 et 23 000 en 1814.

Le futur Empereur, en organisateur et général accompli, leur donnera pour base : une hiérarchie, une stabilité, une discipline et le sens du service public. Sous le 1er Empire, les douaniers se comportent comme une véritable armée en marche. Ils suivent en effet l’armée au gré de ses avancées en Europe, installant sans cesse de nouvelles lignes de douanes. Ainsi, sous l’autorité de l’Empereur, ils vont mettre en œuvre une politique résolument protectionniste.

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Crémation de marchandise de contrebande

Placés à l’extrême limite du pays, ce sont souvent eux, les douaniers, qui subissent en premier les tensions, les premiers coups, prémices de chaque guerre imposée à la France.

 

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Uniformes de douanier 1804-1814

Lors de la mise en place en décembre 1806 du blocus continental, voulu par le décret de Berlin du 21 novembre 1806, les gabelous luttent contre la contrebande des marchandises anglaises souvent de concert avec les militaires de la place.

Mais les douaniers, qui seront surnommés les « 35000 baïonnettes » ou « chasseurs verts », se révéleront également être d’excellents soldats. La plupart d’entre eux étaient des vétérans à qui l’on réserve la quasi-totalité des emplois douaniers, qu’ils soient français ou ressortissants des pays annexés. Et si souvent, ce sont des soldats « réformés », ils n’en reste pas moins des gens de grande expérience qui combattront aux côtés des armées, en unités de type militaire avec musiques et emblèmes. Leur bravoure sera saluée par les plus grands chefs militaires français et par l’Empereur lui-même qui aurait, paraît-il, souhaité que certaines unités douanières soient intégrées à sa « vieille garde ». Mais de cela je n’ai trouvé aucune source.

C’est surtout dans les états allemands que les douaniers s’illustrent. Ils combattent lors du siège de Hambourg sous les ordres du maréchal Davout. Ils vont y former pour la première fois un régiment, le 2e régiment des douanes impériales, créé par un ordre spécial de Davout du 17 août 1813 et placé sous le commandement du directeur Pyonnier, directeur des douanes impériales à Hambourg. Ce corps comprendra des unités d’infanterie, un escadron de cavalerie, une compagnie d’artillerie et même un élément naval.

Des douaniers, mais aussi des militaires choisis parmi les meilleurs tireurs, vont former une compagnie de tireurs d’élite sous les ordres du capitaine des douanes Lavandeze. Les hommes de cette unité sont chargés de servir les énormes fusils de rempart et tiennent les forces ennemies à distance des bastions.

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Au cours de ce siège, la compagnie des guides, compagnie d’élite du régiment sera choisie par Davout pour former sa garde personnelle. Pour récompenser les douaniers de cette unité de leur bravoure, le maréchal leur accorde le droit de porter le passepoil aux couleurs de la Légion d’honneur.

C’est le capitaine Cutsaert, qui commande la compagnie des guides et que l’Empereur a décoré lui-même de l’ordre de la Réunion pour sa bravoure au feu, qui sera le premier à arborer le passepoil aux couleurs de la plus haute distinction française sur sa culotte verte d’uniforme

bgha_rh_n88_douaniers-05Ce sera l’origine de la bande garance qui orne depuis la circulaire du 16 février 1852 le pantalon d’uniforme des douaniers.

Lors du reflux de la Grande armée, les douaniers mènent des combats d’arrière-garde ou prennent position dans les places fortes que l’ennemi assiège. Suites aux nombreuses désertions parmi les jeunes conscrits des classes 1813 et 1814 (les « Marie-Louise », du prénom de la seconde Impératrice) et parmi les gardes nationaux, les douaniers sont parfois les derniers à tenir certaines places. Ils s’y battent jusqu’à la dernière extrémité, comme à Thionville, à Rodemack ou à Sierck en août 1815.

A Rodemack, les Prussiens firent le siège de cette Carcassonne lorraine et durent se retirer après des pertes sévères. La garnison était aux ordres du général Hugo, le père de Victor Hugo

Ces faits d’armes vont faire prendre conscience aux autorités de tout le parti qu’elles pourraient tirer de l’utilisation des brigades armées des douanes dans le dispositif de défense de la France. Ainsi, Louis-Philippe 1er, roi des Français, décide-t-il par les ordonnances des 31 mai 1831 et 9 septembre 1832 la création officielle du corps militaire des douanes, avec pour unité organique de base le bataillon.

bgha_rh_n88_douaniers-06En 1815, à Strasbourg, le directeur Deu, à la tête de 900 douaniers se jette sur 4 000 Hessois et les met en déroute, s’emparant de toute l’artillerie.

Pour conclure, en 1870, le 23 juillet, à Schreckling, les préposés des douanes Mouty et Lejuste sont assaillis par les Prussiens. Lejust est grièvement blessé et survit. Son camarade, Mouty, est tué par un uhlan. Ce sera la première victime du conflit franco-prussien. Le 26 juillet, le corps des douanes est officiellement mobilisé et affecté au service militaire de la frontière en Alsace-Lorraine avant l’invasion. La Douane fera partie intégrante des effectifs militaires également durant les deux conflits mondiaux.

Campagne

(Sources : www.gabelou.fr – L’administration des Douanes sous le Consulat et l’Empire J.Clinquart – cahiers d’histoire des Douanes et des droits indirects)