…Echo de Campagne…
Abensberg 1809-2009
Près d’une année fut nécessaire pour finaliser une prestation à Abensberg en Bavière à l’occasion du bicentennaire de la bataille qui s’y déroula en avril 1809. C’est à coup de courriel entre la France et l’Allemagne que finalement nous pûmes partir joyeux pour ces terres lointaines. Contrat signé en poche, en bon pasteur et en bon président, Gérard établit la feuille de service qui va bien et réunit ses troupes bêlantes au lieu-dit Martinken-les-Bollwiller, le samedi 03 juillet 2009, à cinq heures du matin.
Comme c’est l’usage à la Garde, enfin à la Batterie, les grognards arrivèrent un à un, parfois à deux, au rendez-vous précédemment donné. Pour cette fois, seulement huit tambours répondirent à l’appel. Ce qui causa bien du souci à notre vénérable président ainsi qu’à notre vice-président. Mais bon, il fallait faire avec. Alors ceux présents se devaient d’assurer outre-Rhin, au pays des Germains. Les impedimenta chargés, les tambours en place dans leur housse protectrice, les bagages rangés, chacun pris place dans le grand bus qui nous parraissait drôlement vide. C’était bizarre. Et Dédé en chauffeur zélé et toujours présent mit la première et démarra son gros engin en direction de la frontière et du Rhin.
Un morceau d’asphalte français puis c’est la bande grise de l’autoroute A5, pardon de l’« Autobahn A fünf » (prononcer : « A fünf » NLDR) qui défilait sous les roues de notre autocar. Nous étions dans la campagne allemande pour revivre la campagne d’Allemagne.
Un voyage de 700 kilomètres nous attendait qui serait entrecoupé de pauses mesurées par notre chauffeur. « On s’arrête jusqu’à c’qu’on repart ! » nous précise-t-il toujours. C’est important car, moi par exemple, je n’aime pas du tout rester dans l’expectative et j’aime bien savoir où je vais. Après un petit café ou un thé de chez Thechado et un ou deux croissants pris dans le bus, chacun allait à ses petits ragots, ses petites blagues et commentait selon son humeur l’actualité passé, présente et à venir. Comme à chaque fois, ça discutait de tout et de rien et surtout des absents, enfin juste un petit peu.
Vers neuf heures, une première pause nous était imposée par le règlement n° 561/2006 du Parlement européen et le décret 2003-1242 et auxquels, en bon, en excellent citoyen européen, se conformait notre excellent conducteur. En fait Dédé conduit comme une machine. Normal, il s’appelle Dédé HAIRDEU. Tout est automatique chez lui et il paraît même qu’il n’aurait qu’un tout petit sabre pas laser. C’est comme cela, qu’un jour, alors qu’il transportait G.LUCAS, il aurait inspiré le fameux film et du coup, il aurait joué le rôle du nain sifflant à roulettes. De source sûre, LUCAS lui aurait dit, je cite : « Dédé, c’est pas a good name for le cinéma. Dobeul Dé no plou ! Deux fois Dé or Dé fois deux no plous !!! Oh ! Yes I found ! D2R2. » Une star était née. Mais de cela, notre chauffeur et l’humilité qui le caractérise, il n’en parle jamais.
Après quelques péripéties anodines, nous arrivâmes à l’entrée d’Abensberg-la-Bavaroise. D’un coup de portable Gérard fit apparaître le responsable des festivités qui nous dirgea vers notre hôtel. Le centre ville étant fermé et déjà bien animé, nous transportâmes à pied tout notre attirail et prîmes possession de nos quartiers. A ce moment, nous eûmes droit à un sketch anti-napoléonien de la part d’un vieux grincheux réprobateur, une espèce de vieille carne aux états-d’âmes négatifs. C’etait un con carneux. Rien d’important ! Aussitôt arrivés, nous nous mîmes en tenue de quartier d’abord et arpentâmes, pour nous échauffer, le pavé allemand. Les habits de lumière seront pour plus tard. Nos rangs clairsemés ne dénotèrent pas avec l’étroitesse des rues de la vieille ville et notre Cynthia-la-belle ajoutait à la beauté du cadre. Gérard, en silence, soupira de soulagement. La BGHA sera à la hauteur de son image et de sa réputation. Nous étions prêts et les peaux de nos instruments pourront vibrer au milieu d’une ville qui s’était replongée dans le passé. Nombre d’habitants s’étaient vêtus à la mode du début du XIXème siècle. Ca, c’était drôlement sympa. Alors nous déambulâmes au son de nos accents martiaux dans ces ruelles et découvrîmes moult estaminets provisoires devant lesquels nous jouâmes deux, trois, quatre morceaux pour le plaisir des badauds attablés et le nôtre.
Souvent, l’aubergiste d’un week-end nous offrit une pinte de cette bière bavaroise à tomber par terre. Ce dont nous nous gardâmes bien d’ailleurs de faire.
Il faisait beau sous ce soleil de juillet. En tenue de quartier, c’était assurément agréable. Il y avait une ambiance vraiment particulière autour des fûts de bière, au fond de ce coin de Bavière. Et puis les Bavaroises…Ahhh ! La Bavaroise… Nous, on a bien la Charolaise, la Salers, la Frisonne ou la Montbéliarde, mais la Bavaroise, mesdasmes, messieurs, celle qu’on a vu paître sur le pavé d’Abensberg, c’est autre chose que ce que l’on trouve sur les étals des grandes surfaces. Et puis, quand elle vous regarde avec ses bons gros yeux tout noirs, la Bavaroise d’origine, avec son tampon du vétérinaire sur la fesse gauche, elle est capable de convaincre un régiment de végétariens de changer de régime. Meuhhh !!!
On nous avait demandé d’animer. Nous avons donc animer jusqu’au soir où nous avions joué au milieu d’une foule compacte, sur la place centrale et sur un podium installé là pour l’occasion. L’enthousiaste de la foule présente, nous donnait des ailes. Etant moi-même au milieu de la foule, j’entendais à maintes reprises « Toll ! », « Geil ! » ou encore «Wansinn ! » Bref ! Notre prestation, nos jeux de scène plaisaient et c’est tant mieux. Mais le soleil déclinant vers le ponant pour rejoindre son nadir, il nous a fallu laisser la place et quand même penser à reposer nos poignets. Nous retournâmes à notre hôtel sis à cent mètres de là, posâmes nos instruments et nous prîmes notre quartier libre comme bon nous sembla. La journée avait été bien remplie.
Le dimanche qui suivit commença par un petit-déjeuner fort copieux et agréable à nos palais délicats. Faut dire que nous avions été choyés et l’hôtel était tout à fait convenable. Vers dix heures, conformément aux instructions reçues de notre hiérarchie, nous nous mîmes cette fois en grand uniforme portant fièrement le célébrissime bonnet d’oursin. A peine étions nous sur le pavé que des « OHHH ! » et des « AHHH ! » en allemand – qu’il faut prononcer : OHHH ! et AHHH – se faisaient entendre des badauds matinaux béats d’amiration.
Aux ordres du tambour-major, d’un coup de canne, notre petite troupe s’aligna comme un seul homme et Chistian, d’une main ferme porta son drapeau bien haut comme il se doit, tenant la hampe de ce dernier fermement. C’était le signe que les premiers accents allaient se faire entendre. Après dix heures, il n’y aurait plus grand monde en train de dormir dans le centre ville.
Il y avait de plus en plus de monde et la foule, même en ce dimanche matin, était déjà très dense. Nous déambulâmes donc comme la veille, nous arrêtant de temps à autres, devant les troquets de toile jusqu’à l’heure du déjeuner. Il y avait une ambiance de fête extraordinaire mais la pause déjeuner füt la bienvenue. Il fallait se reposer et se préparer pour le défilé de clôture de l’après-midi.
La panse pleine, c’est ce que nous fîmes. Nous prîmes place dans l’immense serpent humain qui allait bientôt se contorsionner et ramper pendant une heure et demie au milieu d’une foule compacte, dense et conquise par avance. C’est ce qui se passa. Notre fière allure, nos airs virils, faisaient vibrer les cœurs tout autant que nos peaux de tambours elles-mêmes vibraient. D’autres uniformes s’étaient joints à nous et formaient un spectacle haut en couleur comme seule cette époque a su nous en donner.
Nous étions heureux cependant d’être au XXIème siècle et de vivre l’Europe d’aujourd’hui.
Vers seize heures, la fête se terminant, nous avons rapidement récupéré nos bagages, délaissé notre charmante hôtesse à l’hôtel et rejoint notre bus. Nous avions maintenant une longue route à refaire, vers nos foyers cette fois.
Ce retour se passa sans histoire comme souvent. La fatigue aidant, après la pause obligatoire de notre chauffeur, un film suffit souvent à nous assoupir. Nous plongeâmes alors dans les bras de Morphée à tour de rôle pour revivre sans doute les flonflons de la fête à laquelle nous participâmes avec bonheur.
Campagne