Article divers – gazette n88
Le petit caporal ou la naissance d’un mythe sur la taille de l’Empereur
Durant le XVe siècle, le caporal est un chef dizenier qui commande une dizaine d’homme. Dans les légions romaines, il s’agissait de « l’optione ». Le grade de caporal serait apparu au XVIe siècle. Il vient de l’italien capo ou chef. Le caporal désigne en effet celui qui commande une petite escouade et sous l’ancien régime, le caporal appartenait au corps des « bas-officier »* acception que la Révolution de 1789 changera en « sous-officier ». Cette racine italienne trouve son origine dans celle latine de caput qui donnera également le terme de capitaine qui désigne, lui le chef d’une unité plus importante, la compagnie en l’occurrence ; le centurion romain.
En aparté, le grade de caporal-chef est né de la nécessité de distinguer les hommes de part la diversité des rôles et missions impartis aux caporaux et du nombre grandissant de ceux-ci.
En 1754 avait été créée la spécialité de fourrier, que nous connaissons bien, qui était occupée par des hommes du grade de caporal ou de sergent. Avec la Grande Guerre, le caporal-fourrier disparaît pour être remplacé par le grade de caporal-chef qui perdure encore.
Dans l’armée royale voulut par Louis XIV et organisée par Louvois, des traditions s’installent. Ainsi, il était un usage sous l’Ancien régime qu’un général valeureux ayant conduit ses troupes à la victoire fut nommé non par ses pairs mais par ses subordonnés au premier grade de bas-officier alors, celui de caporal. Ce n’est éminemment pas un grade officiel mais une distinction, une reconnaissance apportée par la troupe à son chef.
En prenant le commandement de l’armée d’Italie, malgré son extrême jeunesse, Bonaparte y imprima tout d’abord la subordination, une confiance et un dévouement absolu.
Il subjugua l’armée par son génie, bien plus que par sa popularité. Bonaparte était un général très sévère et peu communicatif.
Lors de la première campagne d’Italie, après Montenotte, Dego, Mondovi et maintes victoires, ce jeune général de 28 ans** au soir de celle de Lodi qui opposa 6 000 Français à 16 000 Autrichiens, fut reçu par ses « vieilles moustaches. » Ces vieux soldats s’étaient réunis en conseil, et donnèrent un nouveau grade à leur jeune général lorsqu’il rentra au camp. Ils le saluèrent de son nouveau titre.
Il fut « nommé » caporal à Lodi et de là ce surnom de Petit Caporal qui lui restera parmi les soldats. Il sera nommé sergent à Castiglione. Ainsi, en 1815, lorsqu’il harangua le premier bataillon qu’il rencontra en remontant vers Paris et avec lequel il fallut parlementer, une voix s’écria : « Vive notre petit caporal ! Nous ne le combattrons jamais ! »
Enfin, Napoléon mesurait 1m68 soit une taille plus qu’honorable à une époque où la taille moyenne de nos aïeux était de 1m55. Le minimum requis pour les conscrits jusqu’en l’An XI était de 1m598. Le décret du 29 décembre 1804 l’abaissa à 1m544 et l’instruction générale sur la conscription de 1811 prévoit que seul les conscrits de moins de 1m488 seront réformés (dixit A.Pigeard)
A mon sens, c’est ce surnom donné par ses hommes et resté à l’Empereur de « petit caporal » par opposition au grand général qu’il était qui a fait naître cette légende de petitesse. C’est une figure de style, une antiphrase, comme lorsque l’on dit qu’il fait beau alors qu’il pleut des cordes. Mais également, les pseudos historiens de la IIIe République, prompt à pourfendre tout ce qui pouvait représenter l’autorité royale et impériale passée et qui jetèrent l’anathème sur ce qui avait fait l’histoire de notre pays.
Bref, cette tradition perdure toujours au sein de l’armée française et c’est ainsi que l’on peur voir des généraux arborant fièrement à côté de leurs étoiles un galon de caporal ou de caporal-chef lors des cérémonies officielles et notamment du 14 juillet si cher à Jean-Maurice.
Campagne
(Sources : Bonaparte en Italie S.Béraud – Le chant du départ M.Gallo-www.defense.gouv.fr- La conscription sous le 1er Empire A.Pigeard)
*C’est une instruction datée de 1821 qui rattache les caporaux et les caporaux-chefs ainsi que les brigadiers et les brigadiers-chef aux hommes de troupes.
**Le plus jeune général de l’Histoire de France est Louis de Bourbon, duc d’Enghien et futur Grand Condé. Il était général à 22 ans et nous lui devons la victoire de Rocroi le 18 mars 1643.