Boulogne 28 et 29 mai

…Echo de Campagne…

 

Boulogne-sur-Mer 2011

 

Le vendredi 27 mai à 24 heures ou le samedi 28 à 0 heure, nous avions rendez-vous au relais du joyeux postillon Martin KEN, sis à Bollwiller, où notre chariote nous attendait, toute ferrée avec point de bœufs pour tirer. Comme d’habitude venant de loin et redoutant les outrages et les aléas du temps, notre grenadier était arrivé bien à l’avance, avant même les grognards encore en répétition, avant même le chauffeur qui devait nous conduire au bord de la Manche, vers et en la bonne ville de Boulogne-sur-Mer.

Boulogne-sur-Mer, 1er port de pêche français et terre d’Histoire depuis l’Antiquité puisque que c’est depuis Boulogne où plutôt Portus Itius que Jules César, un autre empereur, s’était préparé à envahir la Bretagne de l’époque. (Cf Astérix chez les bretons). Un autre Empereur, français celui-là, aura 1800 ans plus tard les mêmes desseins. Boulogne est une ville dynamique où l’ancien côtoie le nouveau. On y parle pas le « ch’ti » mais un dialecte, ou plutôt un sabir assez proche. Les « che » et les « que » cèdent la place à des « eille » qui doivent faire office de virgule tout comme les « con » en provençal. Exemple : « Euj prends un cafeille al terasseille deul plache eud l’hôtel eud’villeille ». Pour bien faire, il faut prononcer avec une pomme de terre chaude dans la bouche.

Revenons à nos moutons ! Minuit arrivant, les grognards arrivèrent également quasiment tous en même temps. D’abord, Jean-Maurice suivi de très prés de Jean-François et ainsi de suite. J’avais beaucoup de plaisir à retrouver mes vieux copains. Rapidement, ils formaient comme ce que les militaires nomment dans leur jargon : « une boule de feu » et qui ressemblait plutôt à une foule de bœufs tant ils étaient affairés à courir dans tous les sens, à décharger leurs impedimenta et à les ranger dans le car. On aurait cru des ours à la foire au miel. Lorsque tout fut en ordre, chacun s’installa là où il en avait l’habitude. Dédé en retraite, ce fut Pierre, dit « Pierrot les doigts de fée » dans le milieu, qui nous amena de l’autre côté de la France.

La nuit était sombre et presque froide en cette fin de mai. Une vraie nuit d’automne. Les hirondelles étaient pourtant bien là, mais tellement discrètes. Le printemps devait courir dans les bois et même la lune, céleste fanal, se cachait de temps en temps derrière un nuage blafard et famélique. Il était minuit passé. La fraîcheur était dehors mais la chaleur se tenait dans nos cœurs. La bonne humeur qui régnait chez nous, palliait à tout le reste. Et puis si les fleurs manquaient à l’extérieur, nous avions, nous, trois magnifiques roses, des plus belles. De leur présence, elles égayaient notre présent. La première, joue du tambour, la seconde du fifre et la troisième de rien. Mais sans elle, nos défilés ne seraient sans attrait, terne et sans cachet. Elle est blonde mais les quelques mèches qui lui parcourent le chef, font comme des lueurs d’espoir. Tout n’est donc pas perdu.

L’heure tardive et sous le couvert du manteau de la nuit, nous n’avons pas vu grand chose du ruban d’asphalte de huit cents kilomètres qui nous mena quasiment au bord de la mer. L’aube vint sans que l’on s’en rende compte et lors d’une halte obligatoire, nous prîmes ensemble un petit-déjeuner. Une petite heure plus tard, nous reprenions la route et vers onze heures, nous arrivâmes enfin à destination. Nous nous arrêtâmes sur parking dans la zone portuaire de Boulogne et vers treize heures, nous prîmes possession de nos quartiers à l’hôtel « Fort Mulin ». Personnellement, j’avais réservé la « suite Eugénie » mais elle n’était pas disponible. Alors je m’accommodais de la chambre 238.

Nous nous habillâmes de nos uniformes et une heure plus tard, nous étions près pour le début des festivités qui démarrèrent non loin de l’endroit où nous avions déjeuné auparavant. Là, nous attendaient les troupes aux uniformes usés du troupier et chamarrés des officiers d’empire. C’était magnifique. Nous prîmes place comme il se doit en tête du dispositif et quand bien même l’ordre n’était pas d’époque, notre drapeau fit office de tête de colonne. Peu importe la réalité historique, seul compte le spectacle des yeux, des oreilles. J’étais le plus beau, donc j’ouvrais le défilé en compagnie de Christelle la belle et de Christian le beau aussi mais moins. Derrière, suivaient la Batterie des Grognards, derrière encore des centaines d’uniformes différents pour faire de cette parade un régal pour les sens. Les Boulonnais, bien présents, ne s’y sont pas trompés.

Pour une fois, c’est au milieu d’une foule ravie et compacte que nous arrivâmes sur une place qui voit depuis 20 ans, depuis que le 4e léger existe, défiler des soldats de l’Empereur, de Georges III, d’Alexandre et d’ailleurs. C’est en assistant à une de ces festivités que je me suis « engagé » au côté de Michel Lamesch, le « fondateur créateur principal » du 4e suscité. Il y avait foule ce samedi place Dalton et il y avait l’Empereur que figurait Frank Sanson, président de l’association « Empire 1804 ».

Puis ce fut le sacre. Nous nous installâmes dans la basilique, pleine à craquer. Les cloches sonnèrent pendant un quart d’heure à toutes volées. Un présentateur commentait en détail le déroulement de la cérémonie en remettant à sa place la symbolique choisie et qui fut tellement dénaturée par la suite. « A l’arrivée de l’Empereur, expliquait le journaliste du moment, un tonnerre d’applaudissement se fit entendre. Alors, se fut un officier de la Garde qui se lança le premier, suivit par un deuxième quidam, puis toute la basilique, par empathie, s’enflamma. De quoi faire tourner les têtes ! L’important dans le sacre, fut le visuel des tenues. Nous admirions celles des officiers supérieurs valant parfois 15000 euros pièce. Quant aux femmes, elles portaient bijoux et diadèmes. Un vrai défilé de haute couture version 1er Empire. C’était extraordinaire ! Nous étions bluffés. La tenue du sacre coûta, paraît-il, 35 000 euros et il y en eut pour plus de 240 000 euros de tenues pour les dignitaires de l’Empire. A la fin de la cérémonie, mille cœurs lancèrent deux vibrant « Vive l’Empereur ! » qui vinrent exploser sous la nef alors que Napoléon 1er, alias Sanson, sortait à la suite de l’impératrice.

Puis, nous sortîmes et sur les marches de la basilique, nous offrîmes une aubade. Il faisait un vent glacial qui soufflait en rafale. Un vrai temps de 2 décembre. Nous craignons pour nos bonnets à poils qui quelquefois, oscillaient dangereusement. Comme il faisait froid ! Avec ses -10, -20, -30, c’était le « Nooooord » ! Tous nos auditeurs étaient emmitouflés dans des doudounes, des anoraks ou des polaires. Les chasse-neige et les brise-glace étaient prêts. Au bout d’une vingtaine de minutes, nous nous dirigeâmes vers un restaurant attenant à la basilique où… la terrasse nous avait été réservée. Mais dehors avec 5°, c’était trop peu pour nos anatomies fragiles. Après force palabre, nous fûmes conviés à la table de l’Empereur, à l’intérieur. Nous fîmes ripaille de moules et de frites comme il se doit et nous offrîmes à notre Sire, un de nos plus beaux Dragons de Noailles à l’impromptu dont lui et notre ami Lamesch furent fort émus. Repus comme des outres et régalés comme un soir de communion, nous reprîmes le chemin de notre quartier.

Le lendemain, nous retournâmes dans la vieille ville, dans la cour du château. A l’abri des murs vénérables, nous donnâmes une aubade en présence des troupes et de notre Sire. Nous offrîmes de nouveau, un magnifique réveil de la garde dont personne ne trouva rien à redire. En même temps, nous nous laissions bercer par les morceaux auxquels participés nos deux fifres. Quel régal pour les oreilles ! L’Empereur nous redemanda un « Dragons de Noailles » que bien sûr nous lui offrîmes. Le public présent se laissa emporter par le spectacle. Nous terminâmes par un petit tour au bivouac avant de prendre notre pause déjeuner.

L’après-midi, nous donnions un petit concert au milieu des badauds maintenant nombreux sous les premiers rayons de soleil du week-end. Enfin, pour clore ces festivités, on nous demanda une ultime participation avant le départ de l’Empereur et du coup, le nôtre. Notre retour se fit sans histoire et il ne fallut pas longtemps pour que, perclus de fatigue, la nuit pesa sur nos paupières.

Campagne