Le calendrier républicain

C’est Jean-Maurice qui m’a donné l’idée, à Benfeld, de faire une petite recherche historique sur le calendrier révolutionnaire que l’on a tous appris à l’école et tous oublié. Comme les sept nains, lorsque l’on nomme les fameux mois révolutionnaires, il en manque toujours un.

D’abord, d’où vient ce calendrier ?

Au début de 1788 un certain Sylvain Maréchal publie un « Almanach des Honnêtes Gens ». Dans ce calendrier, les noms des Saints sont remplacés par ceux de savants et hommes de lettres, « bienfaiteurs de l’humanité », à la date de leur naissance (n) ou de leur mort (m).

On ne peut pas dire si cet almanach a eu une influence sur le futur calendrier républicain mais on peut constater que le ver anticlérical était déjà dans le fruit et que le culte de la Vertu allait avoir de beaux jours devant lui.

Quant à Sylvain Maréchal (1750-1803), son Almanach fit un flop et lui valut trois mois de prison à Saint-Lazare.

Le 14 juillet 1789, c’est la prise de la Bastille. Dès le lendemain, l’usage est pris d’appeler 1789 An I de la Liberté.

Le 14 juillet 1790 : Fête de la Fédération à Paris, « Le moniteur » porte la mention : « 1er jour de la deuxième année de la Liberté ».

Le 14 octobre 1791 est institué le Comité d’Instruction publique, formé de 24 membres (mathématiciens et astronomes comme Romme, Monge ou Lakanal, peintres comme David, poètes comme Chénier…). Il jouera un rôle majeur dans l’élaboration du nouveau calendrier.

Le 2 janvier 1792 : L’Assemblée législative décrète : « Tous les actes publics, civils, judiciaires et diplomatiques porteront l’inscription de l’ère de la Liberté. L’an IV de l’ère de la Liberté a commencé le 1er janvier 1792 ».

Le 20 septembre 1792 : Première séance de la Convention. Victoire de Valmy.

Le 22 septembre 1792 : La République est proclamée et La Convention décrète que « Tous les actes publics sont désormais datés à partir de l’an I de la République ».

Elle a chargé le Comité d’Instruction publique de préparer un nouveau calendrier. Le Comité, lui, a nommé un groupe de travail constitué par Romme (rapporteur), Dupuis, Guyton, Ferry, Lagrange et Monge pour réfléchir à un projet.

Pour la première fois dans l’histoire des calendriers, nous allons assister à la naissance d’un calendrier due à une volonté purement idéologique. Il s’agit d’en finir avec les pouvoirs de l’Église et son symbole, le calendrier grégorien, avec ses fêtes des saints, son jour du Seigneur va en faire les frais. Il faut y substituer des valeurs rationnelles.

Charles-Gilbert Romme

Le groupe travaille donc en ce sens et Romme est en mesure de présenter le projet au Comité le 14 septembre 1793.

Ce projet est présenté comme suit :

« l’ère vulgaire fut l’ère de la cruauté, du mensonge, de la perfidie et de l’esclavage ; elle a fini avec la royauté, source de tous nos maux. La révolution a retrempé l’âme des Français, chaque jour elle les forme aux vertus républicaines. Le temps ouvre un nouveau livre à l’histoire ; et dans sa marche nouvelle , majestueuse et simple comme l’égalité, il doit graver d’un burin neuf et pur les annales de la France régénérée. » Romme avait remarqué que : …« Les Égyptiens les plus éclairés de la haute antiquité, faisaient leurs mois égaux, tous de 30 jours, auxquels ils ajoutaient cinq épagomènes à la fin de l’année. Cette division est simple,…, elle convient au nouveau calendrier des Français ».

Un décret du 5 octobre 1793 adopte un premier calendrier. Les mois étaient alors nommés : « La République, L’Unité, La Fraternité…»

Notons que ce projet était le deuxième d’une série qui en comportait sept. Le premier était « neutre » puisqu’il se contentait de numéroter les jours et les mois.

Le cinquième projet était « pour tout le Globe ». Les épagomènes étaient numérotés et les noms des mois étaient ceux des signes du zodiaque.

On discute encore et le 18 octobre 1793, une nouvelle commission est chargée d’étudier une nouvelle nomenclature et on y voit apparaître un nouveau nom : Philippe FABRE (1750-1794), l’auteur de la romance « Il pleut, il pleut bergère ». Fils d’un marchand drapier de Carcassonne, Philippe Nazaire François FABRE est un auteur-comédien ambulant. Il gagne une fleur d’or aux jeux floraux de Toulouse qui lui vaudra son surnom de FABRE D’EGLANTINE.

C’est certainement sous son influence et celle de CHENIER que l’on eut droit à : Vendémiaire, Brumaire et Frimaire pour l’automne, Nivôse, Pluviôse et Ventôse pour l’hiver, Germinal, Prairial et Floréal pour le printemps et Messidor, Thermidor et Fructidor pour l’été.

Le calendrier républicain était né petit à petit, à coup de décrets et de modifications. Il va mourir de la même façon, à coup de critiques. Sa mort sera aussi politique que sa naissance. Le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), le Sénat décrète qu’à dater du 11 nivôse prochain, le calendrier grégorien sera remis en usage. Le 11 nivôse, c’était le 1er janvier 1806.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a été réutilisé du 6 au 26 mai 1871 pendant la Commune.

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