La Bataille de la Bérézina

Rubrique historique gazette 86

 La bataille de la Bérézina

 

Mi-octobre 1812, Napoléon décide de quitter Moscou pour prendre ses quartiers d’hiver plus en arrière au fur et à mesure que ses espoirs de voir les Russes négocier s’amenuisent. Le 14, il fait donner l’ordre de ne plus acheminer aucun convoi d’artillerie depuis Smolensk et organise le renforcement des places de Viasma, de Ghjastk et de Mojaïsk. Il envisage de prendre une route au sud, celle du nord ayant été dévastée par deux armées en campagne. Le 18, l’ordre de marche est donné. Le maréchal Mortier devait assurer la défense de Moscou avec dix mille hommes et un mois de vivre mais deux jours plus tard, il reçoit l’ordre de se replier également. Ils seront ainsi plus de cent mille à quitter la ville et ses environs et à s’aventurer dans ce désert qu’est la Russie, peuplée de 2 à 5 habitants au kilomètre carré. Le 23, l’armée est à Borusk. Le 24, les Russes attaquent la position de Malo-Jaroslavetz et coupe, après de très durs combats, la route sud. Napoléon ordonne un mouvement rétrograde vers Borusk provoquant un émoi perceptible dans l’armée. Elle sait que les vivres vont manquer par le nord mais l’Empereur compte sur ses garnisons.

Le 27, il rejoint à Viera, Mortier qui avait quitté Moscou. La situation est encore relativement tranquille et Koutousov suit à grande distance. Les Cosaques de Platov harcèlent continuellement les Français isolés et l’arrière-garde. C’est là, que Ney se voit confier le commandement de celle-ci tandis que Junot ouvrait la marche avec la Jeune-garde, les 2e et 4e corps de cavalerie et la Vieille-garde.

bgha_rh_n86_berezina-01Le 5 novembre, la Grande armée est à Smolensk où elle apprend la reddition du général Augereau, le frère du maréchal. Le doute s’installe et le froid se fait plus mordant encore.

Le 14, Napoléon quitte Smolensk, Davout le 15 et Ney, toujours fermant la marche, le 17. La menace russe fait de plus en plus pressante et Davout en subit les assauts constants.

La retraite, encore stratégique, se poursuit. Napoléon est à Krasnoïé le 15. Davout suit mais doit faire face à des Russes toujours plus incisifs. Quant au maréchal Ney, il se heurte à une violente canonnade lorsqu’il se présente dans le défilé de Krasnoïé. Essuyant beaucoup de perte, il parvient à poursuivre et est à Orcha le 20 où il retrouve l’Empereur qui le croyait perdu. C’est à partir de cette affaire que Napoléon décide d’aller au plus court et se dirige plein Ouest. Le 23, il est à Bobr où il organise l’Escadron sacré autour de sa personne. Enfin, le 25, ce qui reste de la Grande armée se présente devant Borisov d’où l’on espère pouvoir traverser la Bérézina.

C’est autour de Borisov que doit se faire le regroupement des troupes françaises et russes. Face aux Russes, ce qui reste encadré de la Grande armée constitue encore une force réelle. Elle est suivie par une armée de traînards, de déserteurs, de civils français qui étaient établis à Moscou et des milliers de charrois encombrant la marche des troupes.

Du côté russe, on trouve l’armée de Koutousov à laquelle s’est ralliée celle de Wittgenstein venant de Polotk et celle de Tchitchagov lequel occupe la rive gauche de la Bérézina prêt à accueillir les Français.

Du côté français, on trouve les débris de l’armée du centre aux ordres de Davout, le 2e et le 9e corps d’armée aux ordres d’Oudinot et de Victor qui durent rétrograder jusque là.

Borisov est une position clé puisqu’elle commande un pont sur la Bérézina. Aussi, les Russes attaquent vigoureusement le 21 novembre nos troupes stationnées sur la rive gauche, les obligeant à repasser le fleuve et à abandonner la ville. La route de Minsk est désormais coupée, elle aussi. Napoléon a donc devant lui Tchitchagov, sur son flanc droit Wittgenstein contenue par Victor et sur son flanc droit Koutousov.

Puis arrive au quartier général, le général Corbineau du 2e corps d’Oudinot. Envoyé sur la rive droite de la Bérézina, il a été surpris par la prise de Borisov et a dû trouver un autre chemin pour regagner son corps. Il l’a découvert quinze kilomètres plus au Nord, à Studienka et en informe l’Empereur qui donne immédiatement l’ordre de commencer les travaux pour permettre le passage des troupes.

La bataille s’engage aussitôt par un manœuvre de diversion dans le but de fixer Tchitchagov dont une attaque de l’avant-garde échoue face au 2e corps qui réoccupe Borisov.

Mais les Russes ont fait sauter le pont et tiennent l’autre rive. Napoléon se montrant sur les hauteurs de Borisov, ils penseront, à tord, qu’il compte passer là pour se rapprocher de Minsk et rejoindre le corps autrichien, alors allié. Tchitchagov dégarnit donc le terrain en amont de Borisov pour renforcer sa position en aval. Il est persuadé que les mouvements repérés du côté de Studienka sont un leurre.

Le général Langeron, du côté de Studienka avec quatre mille hommes, fait savoir à Tchitchagov que les Français y établissent un pont et une batterie d’une quarantaine de canon. Tchitchagov fait alors marche arrière mais arrive exténuée. Pendant ce temps, les soldats d’Oudinot découvrent stupéfaits ce qui reste de l’armée de Moscou.

Le 26, l’armée française fait mouvement vers Studienka où les pontonniers oeuvrent depuis trois jours à la confection de deux ponts, un pour l’infanterie et la cavalerie et un pour l’artillerie et les voitures. Les pontonniers néerlandais du général Eblé se sacrifièrent littéralement pour remplir leur mission. Eblé qui s’est jeté lui-même le premier à l’eau pour l’exemple, avait su garder avec lui quatre cents hommes, deux forges et six caissons d’outils. Le général Chasseloup avait eu ordre d’en construire un troisième. Il ne pourra mener à bien sa mission. Toutes les charpentes de Studienka passèrent à la construction des ouvrages.

Le 26 à treize heures, malgré l’opposition des trois armées russes, on commence à franchir le fleuve avec en tête le corps d’Oudinot et la division Dombrowski, puis le corps de Ney, et le 5e corps.

En fin d’après-midi, l’artillerie commence à passer avec difficultés. Les corps d’Eugène et de Davout sont encore en mouvement vers la Bérézina tandis que le maréchal Victor bgha_rh_n86_berezina-02a reçu l’ordre de se porter vers Borisov. Il doit bloquer la ville et empêcher Tchitchagov de menacer le flanc français. Il laisse donc sur place la 12e division de Patourneaux, soit trois brigades dont les 125e et 126e régiment de ligne de la brigade Camus. Le reste du corps rejoint Studienka.

Le 27 novembre, la Garde franchit le fleuve, puis le corps d’Eugène et Davout en fin d’après-midi. Il n’y a plus guère sur la rive gauche que le corps de Victor dont la division Patourneaux qui a quitté Borisov dans la nuit du 27 au 28. Mais elle s’égare dans la nuit et finit par être encerclée par Wittgenstein. Pendant ce temps Tchitchagov qui s’est rendu compte de son erreur a fait rétablir les ponts sur Borisov et établit une liaison avec Wittgenstein. Au matin du 28, il ne reste plus sur la rive gauche que le corps de Victor épaulé par la division Daendels qui, bien qu’ayant déjà franchi le fleuve, avait été envoyée en renfort au maréchal Victor, soit dix mille hommes qui subiront les assauts de Wittgenstein, des avants-garde de Koutousov et de Tchitchagov vers huit heures du matin.

Victor défend toute la journée les hauteurs de Studienka face à Wittgenstein qui se renforce à mesure que le temps passe. Alors que la traversée s’achève, la nuit interrompt les combats. Victor en profite pour passer à son tour sur la rive droite.

Ce même jour, Tchitchagov attaque sur le côté droit. Là, la bataille se déroule dans une forêt de pins et se poursuit toute la journée. Oudinot et Ney à la tête de 18 000 vétérans dont 9 000 Polonais commandés par les généraux Zajonchek, Dombrowski et Kniaziewicz, culbutent Tchitchagov qui se replie sur Stakhov et lui font 1 500 prisonniers, ce qui permet à la Grande armée de passer le fleuve. Pour que cette armée puisse se replier, le 126e de ligne se sacrifie volontairement pour permettre aux éléments qui n’ont pas encore traversé de le faire. Il n’y aura que quelques dizaines de survivants.

Au matin du 29, l’essentiel des troupes encore encadrées réussirent à franchir la Bérézina à l’exception de la division Patourneaux. Ses quatre mille hommes relativement épargnés par les conditions climatiques puisque arrivés récemment en Russie eut été très utile pour la suite des opérations. Militairement, la bataille de la Bérézina constitue un repli tactique, opéré sous le feu ennemi. Napoléon et ses troupes ont réussi à échapper aux Russes qui ne se trompent pas sur les erreurs commises par Tchitchagov puisqu’il sera démis de son commandement. Dans la nuit du 28 au 29, les ponts restent déserts alors que 50 000 traînards et déserteurs bivouaquent toujours sur la rive gauche. Au matin l’ordre est donné de brûler les deux ponts. La dernière division à passer fut celle du général Gérard. C’est cette division qui détruisit les ponts séparant les Russes de nos forces. Quant à l’armée russe battue par le maréchal Oudinot, elle surestimera pour le reste de la campagne les forces françaises et hésitera dés lors à attaquer de front. Il faut savoir que les forces russes étaient, elles aussi, exténuées.

La Bérézina ressemble au Dunkerque de 1940 lequel constitua bien une victoire au milieu d’un désastre.

Campagne

(Sources :.La campagne de Russie JO Bourdon, Les guerres napoléoniennes G. Rothemberg