Musée de Berlin

Echo de Campagne N92

Musée de l’Histoire Allemande à Berlin

1813 – Quelques remarques sur une exposition
au « Musée de l’Histoire Allemande » à Berlin

Quatre années ont marqué l’Histoire de l’Allemagne au 19ème siècle :
-1813 : les guerres de Libération de l’occupation napoléonienne
-1848 : l’échec de l’unité allemande par le parlement de Francfort
-1866 : l’élimination de l’Autriche de l’unité allemande suite à la victoire de la Prusse à Sadowa
-1871 : l’unité de l’Allemagne dans sa petite version géographique (encore actuelle) proclamée à Versailles scellant le cheminement depuis 1813.*
Le Musée de l’Histoire de l’Allemagne de Berlin a donc, tout naturellement, présenté une exposition thématique autour des événements de l’année 1813. Elle était articulée autour d’un tableau de Johann Peter Krafft annonçant la victoire des coalisés : Russie, Prusse, Autriche sur les troupes napoléoniennes à Leipzig le 19 octobre 1813. Ce tableau a été réalisé en plusieurs versions selon les commanditaires.
En effet, seul le Tsar de Russie, Alexandre 1er était bien présent à Leipzig. Si les armées prussiennes ont bien participé aux combats, c’est parce que leur Commandant en chef, désobéissant à l’attentisme du roi Frédéric Guillaume II, a autorisé les troupes russes à pénétrer en Prusse Orientale et à traverser tout l’Est du Royaume jusqu’à Leipzig en Saxe. L’Empereur d’Autriche François Ier, n’a rejoint la coalition qu’après le tournant de la Bataille des Nations assuré de ne pas rencontrer de nouvelles difficultés avec son gendre Napoléon.
bgha_ec_n92_musee_berlin-01La version du tableau présentée est celle commandée par l’Autriche postérieurement dans les années 1820 où sont représentés les trois monarques. Il s’agit donc bien d’une œuvre de propagande pour réécrire l’Histoire…pour les magnifier rétroactivement à tort.
Un plan relief du champ de bataille et le matériel (principalement les canons) utilisé par les protagonistes permettaient de se faire une idée de ce qu’a été cet affrontement de 500 000 soldats dont 90 000 morts et blessés. La mallette de l’un des médecins/chirurgiens et notamment la scie utilisée pour les amputations sans anesthésie documentait, plus que tout le reste, les horribles souffrances des soldats pendant ce carnage, l’un des plus importants de l’histoire militaire européenne.
Les divers uniformes (du moins s’ils étaient effectivement portés ; la débâcle de la retraite de Russie permet d’en douter pour les grognards !), les nombreux drapeaux, oriflammes et fanions témoignaient du nombre important de pays, voire d’ethnies (cosaques et tatars) engagés des deux côtés. Certains contingents allemands sont restés fidèles à Napoléon et ont combattu du côté français. Il s’agit notamment des Saxons qui verront leur royaume amputé d’un tiers au profit de la Prusse, maîtresse du jeu dorénavant en Allemagne.
L’équipement individuel des combattants, les armes utilisées étaient présentées. La possibilité offerte de « toucher » les fusils permettait d’évaluer leur poids et de constater la dextérité nécessaire pour les manier évidemment en situation réelle dans l’urgence du combat.
L’accent était aussi mis sur la signification politique et symbolique de cette Bataille de Leipzig entrée dans l’Histoire comme étant la Bataille des Nations (ou « Völkerschlacht » en allemand) situées géographiquement à l’Est du Rhin pour se libérer de l’oppression napoléonienne. Elle a constitué le tournant irréversible de la défaite de l’Empereur des Français et marqué jusqu’à aujourd’hui le sentiment national allemand. Les conséquences de cette victoire des alliés ont été actées dans les décisions du Congrès de Vienne en 1815 avec notamment l’extension de la Prusse en Rhénanie et en Sarre jusqu’à la frontière française.
bgha_ec_n92_musee_berlin-02Plus généralement, le traumatisme provoqué par l’occupation française et les exactions napoléoniennes après 1809 (surtout après l’humiliante défaite d’Iéna en 1806) ont généré cette notion d’ennemi héréditaire qui a prévalu 150 ans jusqu’à ce que des hommes de bonne volonté agissent pour la réconciliation et maintenant l’amitié franco-allemande.
(Pour mémoire, Blücher, Bismarck, Moltke et beaucoup d’autres vouaient une haine féroce à la France et aux Français.)
Cette exposition temporaire d’une grande qualité scientifique et historique est à mettre, une fois de plus, à l’actif du « Musée de l’Histoire Allemande » ou « Deutsches Historisches Museum » qui se caractérise par sa grande objectivité. Il est installé dans l’ancien Arsenal (Zeughaus) du 18ème siècle, un des plus beaux bâtiments de « Unter den Linden », l’avenue de prestige des Hohenzollern à Berlin.
bgha_ec_n92_musee_berlin-03Son nouvel accès à l’arrière du bâtiment historique a été réalisé par Peï, le même architecte que celui de la Pyramide du Louvre.
Ce symbole rapproche encore plus la France et l’Allemagne dans leur volonté d’écrire de façon commune l’Histoire de nos deux Nations.

 

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Si vous avez l’occasion de vous rendre à Berlin, n’hésitez pas à visiter ce musée où vous serez surpris de trouver dans le département de la guerre 1914/18, une vidéo présentant les villages détruits de Vieux-Thann, Steinbach, Uffholtz ** et Wattwiller… étant donné que sur le sol de l’Allemagne même il y a eu peu de destructions pendant le premier conflit mondial ce qui a aussi servi de terreau à la légende du « Coup de poignard dans le dos ».

 

 

JL Gindensperger

 

 

* En réalité, la proclamation de l’Allemagne moderne faite en 1871, dans la galerie des glaces du château de Versailles, fait suite à trois guerres menées par la Prusse, contre le Danemark (1864) d’abord, l’Autriche (1866) ensuite et la France (1870) enfin.
C’est à cette occasion et pour commémorer la 1ère victoire, puis les deux autres, que l’on décida d’ériger dès 1864, une colonne dite des victoires ou « Siegessäule » face au Reichstag. En 1939, les nationaux-socialistes la déplacèrent sur son emplacement actuel face à la « Porte de Brandebourg » et lui rajoutèrent un quatrième étage pour la rendre plus imposante encore. (NDB)
** Je confirme. J’ai trouvé chez des amis berlinois de Berlin-Köpenick, une vieille carte postale datant de 1915 et représentant le village partiellement détruit d’Uffholtz pendant la Grande-Guerre. Cette carte est aujourd’hui au musée-abri d’Uffholtz. Ce n’est pas celle ci-dessus. (NDB aussi)