Uffholtz 6 mars

…Echo de Campagne…

Une « répète » extra ordinaire

Une fois n’est pas coutume, c’est sur l’initiative du comité directeur que nous nous sommes tous retrouvés un samedi après-midi dans notre salle pour une répétition générale et notamment de notre Directeur artistique, directeur du « Bol chaud », le camarade Deppenovitch qui a dirigé notre petite troupe avec cette fois nos deux fringants fifres.

Nous avions pris soin de procéder à des enregistrements de façon à pouvoir, à chaud, juger de notre prestation répétitive.

Ainsi, presque tous étaient présents pour cet après-midi de travail, même notre porte-drapeau, notre sublime cantinière et le chef des services secrets qui de temps en temps se déguise en grenadier pour mieux tromper son monde.

Il faisait froid, ce jour là dehors. Cet après-midi maussade ne donnait pas envie de faire autre chose que de la musique et, ça tombait bien, on était là pour ça.

Alors sous la houlette studieuse mais toujours ludique de José et d’Alesque, nous étions aux ordres pour une mesure à répéter jusqu’à la vomir, une phrase pas nette, et un morceau à travailler.

Alain, le tambour-major, toujours aussi méticuleux et de plus en plus chevelu (un vrai billet de cent francs pour ceux qui s’en souviennent) surveillait de près les évolutions et surtout si l’écoute des ouailles que nous étions, était assez béate et attentive lorsque notre auguste maître José dispensait sa science ou notre maître Alesque, véritable oreille métronomique, apportait tel ou tel commentaire.

C’est que certains, chez nous, ont le cerveau lent et la détente pas facile. Avec ceux-là, on a le temps de tuer un âne à coup de figues molles avant de leur faire comprendre quelque chose. C’est pour cela qu’inlassablement nous répétons et répétons encore. Mais je ne donnerai aucun nom. Ce n’est pas le propos de ce papier mais sera en objet dans le rapport mensuel détaillé et secret lequel est systématiquement adressé par porteur au président directeur. C’est que ça ne rigole pas tous les jours chez les grognards mais chez nous, le sourire et la mine réjouie sont obligatoires.

Bref, tout le répertoire de notre petite troupe y est passé, avec quelques morceaux nouveaux accompagnés de nos deux premiers fifres, dont nous attendons beaucoup. Le premier, Serge, déjà d’un âge certain, accusant avec force, de nombreux printemps de par ses cheveux couleur de neige. Mais comme on dit : « quand il y a de la neige sur le toit, il y a du feu dans la cheminée ! ». La face marmoréenne, taillée dans la masse et burinée par les éléments, affiche cependant un muscle labile souple et capable et un œil vif, un tantinet taquin. Notre deuxième fifre Thibaud est un jeunot taillé dans la masse d’un bâton de sucette du haut de ses 19 ans. C’est un excellent musicien qui joue et compose. Le piano est son instrument de prédilection, la guitare électrique et acoustique également. Mais, comme tous les jeunes, il ne restera pas chez nous et fera donc un passage éphémère.

Puis, il y a un petit nouveau aussi sur les rangs, qui travaille avec application sur son silencieux ; j’ai nommé Philippe. L’œil vif, le regard perçant, la dentition parfaite, le réflexe alerte, 1 mètre 90 au garrot, la croupe franche et le muscle bien fait. Ce Philippe est une bien belle bête de course. Il fera un grognard impressionnant tout comme Thierry et Jean-Maurice. Courage ! Courage ! Philippe bientôt, viendra ton tour de pouvoir revêtir cet habit de lumière et de légende, de jouer au milieu de nous tous ces morceaux que tu auras dix mille fois répéter et de boire un bon coup, une fois le devoir accompli et l’auditeur heureux. Philippe, lui est entre nos deux autres compères. C’est un élève de Gérard depuis quinze ans.

Mais au bout de quatre heures, les poignets commençaient à être endoloris. Les fifres n’avaient plus ni lèvres, ni souffle. Seul, notre cantinière, notre porte-drapeau et notre grenadier ne se sentaient pas trop fatigués.

Après l’effort : le réconfort. Comme il se doit dans toutes les histoires gauloises, tout finis par un banquet. Nous n’avions cependant point de barde à ficeler autour d’un chêne. Ca tombait bien parce que nous n’avions pas de chêne non plus. Alors nous dressâmes une table improvisée que nous baptisâmes table de fête. Les pizzas furent commandées et servies chaudes à chacun. Elles furent arrosées très raisonnablement de « lambrusco » ou de « pinot » du pays. Nombre d’entre-nous avait amené un dessert confectionné par nos chères et parfois tendres épouses. Gâteau au chocolat, tarte au fromage blanc, tartes aux fruits, tout y était. Il y avait de quoi satisfaire les bouches à sucre sur cette table de banquet improvisée.

C’était un bien bel après-midi de fin d’hiver. Le soleil avait déjà bien décliné sur nos cimes vosgiennes et la lune céleste fanal, allumait, une à une, les étoiles du ciel. La nuit drapait lentement son manteau d’organsin sur nos rêves et nos projets. Il faisait froid dehors et il faisait chaud dedans. Chez les grognards, c’est à coups de baguettes, à coups de couteaux et de fourchettes, que nous tissons ce lien qui nous tient tous et qui n’appartient surtout à personne en particulier. C’est ce qu’il ne faut pas oublier.

Campagne

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